Du point de vue d'un fou

Publié le par Sloche

Ceci est la suite de l'histoire de Severus, vous pouvez trouver le début ici.

 

Évasion

 

Petit pas… Petit pas, petit pas. Petit pas. Petit… Un bruit !

Je me tourne à droite puis à gauche et… Ha ! Un angle de mur ! C’est donc lui qui a fait ce bruit ? Depuis quand les angles de murs font-ils des bruits ? Un rapide coup d’œil par-dessus mon épaule : personne ! Tant pis, je fonce dans le couloir. Les portes défilent si vite de chaque côté de moi qu’elles se transformèrent en une longue tâche qui s’étale sur les murs blancs.

Je les ai bien eus ! Il n’y a personne ! Je me retiens d’éclater de rire pour ne pas me faire repérer, mais intérieurement je jubile. Combien de temps pensaient-ils me retenir ici ? Leurs moyens sont si dérisoires face à mon génie ! Bientôt je retrouverai la liberté !

Une fois dehors je pourrai enfin faire ce qu’il me plait ! J’ai déjà des tas d’idées. Je vais changer de visage. J’achèterai une maison à la campagne et j’y élèverai un cochon, il s’appellera André. Et puis je rencontrerai une jeune femme à la boulangerie, et dans trois ans nous nous marierons. Ou alors je deviendrai artiste dans un cirque et tous les samedis je serai applaudi par des centaines d’enfants ! Je ne sais pas encore exactement quel sera mon incroyable numéro, j’y réfléchirai. Il y a tant de possibilités qui s’offrent à moi !

Il faut d’abord que mon évasion réussisse, ce dont je ne doute pas, mais aussi qu’elle soit la plus discrète possible. Je ne veux surtout pas que les gens me croient fou !

Mon cœur bat à toute allure, je suis inarrêtable. Je cours si vite que je pourrais m’envoler ! Mais ça ne servirait à rien dans cet espace trop étroit. Oui, c’est bien trop petit ici. Bientôt j’attendrai une porte. Je saisis dans ma poche la carte magique et m’apprête à la passer devant la lumière rouge. Mes jambes ralentissent et s’arrêtent peu à peu, engourdies par les années passées ici à attendre ce jour. D’un geste je brandis la carte, qui déclenche l’ouverture instantanée de la serrure.

Dans un silence absolu, je me glisse dans un nouveau couloir désert. Selon les plans, je suis juste à côté de la cafeteria. Nous sommes jeudi et je sens la présence du poulet, qui attend dans le réfrigérateur, de se faire dévorer par la bande de cinglé que je connais depuis trop longtemps.

Mais je n’ai pas peur, et je continue mon périple. Personne ne se doute de ma présence ici. Lorsque les infirmiers ont laissé ma porte ouverte, un plan des bâtiments et un badge passe-partout sur ma commode, jamais ils n’auraient deviné le projet qui allait murir dans mon subtil cerveau !

Je n’ai mis personne au courant, par même mon voisin de chambre, Raymond. Un jour, il a révélé à tout le monde comment je m’appelais ! De toute évidence, je ne peux pas lui faire confiance !

Encore une porte ! La carte magique va encore frapper ! Je suis si impatient que je me rue sur la poignée. J’ouvre et…

Une douzaine d’yeux se tourne vers moi.

Je referme.

Je suis resté dans le couloir. Il y a des gens ! Il y a des gens de l’autre côté ! Je peux attendre qu’ils s’en aillent... Ou alors j’y vais et je passerai inaperçu. Oui, c’est une brillante idée !

J’ouvre à nouveau, et je fais un pas.

Ils me regardent encore ! Puis je vois d’autres personnes qui apparaissent. Peut-être ne m’ont-ils pas vu… Je reste immobile pour me fondre dans le décor.

Mais, l’un d’eux s’approche, il a un gâteau dans les bras. Puis, tous en chœur, comme s’ils s’attendaient à ma venue, tous se mettent à chanter :

« Joyeux anniversaire Severus ! »

Hein ? Quoi ? Comment ont-ils su que c’est mon anniversaire ? C’est ce traitre de Raymond qui leur a dit, j’en suis sûr ! Ce n’est pas de chance, que mon anniversaire tombe le jour de mon évasion !

« Rends nous le badge, Severus, maintenant. »

Je suis perplexe, comment peut-il savoir ? Ah ! C’est encore Raymond ! Heureusement, je sais comment le mettre en déroute.

« Pardon ? De quel badge parlez-vous mon cher ? Il serait bien inopportun que je possède un… Comment dites-vous donc… Un badge ?

_ Severus, c’est mon badge. »

Mince, il ne m’a pas cru ! C’est bien la première fois.

« Comment ça ? Non, c’est le mien ! Le mien !

_ Severus, sois raisonnable, rends le.

_ Mais… Je l’ai trouvé ! »

Je suis sûr que ce maudit infirmier tremble de peur devant mon argument. Et puis, ils sont bêtes, ils ne se demandent même pas ce que je fais ici !

« Et bien je vais le tenir pendant que tu manges ton gâteau d’anniversaire. »

Quelle bonne idée ! Il me tend l’immense plat, et je lui donne le badge.

« Allez viens, on a préparé une table pour qu’on puisse tous manger. »

Je vois dans un coin une planche sur des tréteaux. J’y vais pour poser mon gâteau.

« Bon appétit à tous ! »

Qu’ils sont nombreux ! Mais quand j’aurai retrouvé ma carte magique je pourrai retenter ma chance. Quelqu’un s’approche de moi. C’est Jean-Claude ! Ce type est fou. J’espère qu’il ne va pas se demander comment j’ai fait pour venir.

« BONJOUR ! Severus, ça va ?

_ Non.

_ C’est génial ! On danse !

_ Va-t’en, je mange mon gâteau.

_ Tania m’a dit que tu voulais danser.

_ Personne ne s’appelle Tania ici.

_ Ah bon. »

Il s’en va. Heureusement, il aurait fait basculer tous mes plans. Mais un autre arrive, c’est un infirmier.

« Bon anniversaire ! Alors tu as apprécié notre petite blague ?

_ Quoi ? Quelle blague ? Ce n’est pas mon anniversaire, c’est ça ? 

_ Si, mais je parle de t’avoir laissé venir ici tout seul.

_ Je suis venu tout seul ?

_ Oui, nous t’avions laissé de quoi te balader dans les couloirs.

_ Je n’ai pas remarqué.

_ Alors comment es-tu arrivé jusqu’ici ?

_ Je suis venu voir ce qui se passait, c’est tout. »

Il soupire et lève les yeux au ciel.

« Tu ne crois quand même pas que c’est une coïncidence tout ça ?

_ Tout ça quoi ?

_ Eh bien, les clefs et un plan dans ta chambre, avec un itinéraire tracé en rouge, avec en plus les horaires de surveillance des gardiens.

_ Je ne vois pas de quoi vous parlez. »

De quoi me parle-t-il ? On dirait qu’il ne comprend pas ce que je dis. Il s’en va, s’approche d’un autre infirmier, et lui glisse à l’oreille :

« Je crois que l’an prochain on ne recommencera pas. »

Il y a vraiment trop de monde, et l’infirmier à qui j’ai donné ma carte est partit… J’ai bien l’impression que mon évasion ne sera pas pour aujourd’hui.

Publié dans Textes

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